Raymond Guidot


Ca commence presque toujours par un grand pan de noir arraché à la nuit et planté là comma unique décor de la scène future.

De ce point de vue, il y a une parenté certaine avec les images religieuses du Moyen Age occidental et les icônes de l’Eglise orthodoxe. C’est vrai qu’elles partent elles aussi d’un fond du ciel uniforme. Il faut bien dire également que ce ciel n’étant pas n’importe quel ciel, mais bel et bien celui qu’habitent la divinité ainsi que les anges, les saints et les bienheureux qui l’entourent, il cesse parfois d’être couche de peinture pour devenir une feuille d’or.

Oserais-je dire que la matière du ciel de Philippe Planchet vaut par son intensité tout l’or du monde et que, tout comme celui d’Andréï Roublev, il n’est pas de l’espèce de ceux que l’on porte au dessus de la tête et que perforent les cosmonautes mais de ceux que l’on porte au fond de soi. Que dire alors des personnages qui hantent  ce ciel de Philippe. Qu’ils sont des sortes de fantômes de divinités défuntes ? Non ! Là encore, j’opterais plutôt pour l’image de lui-même ou d’un autre, entrevue, capturée, enfuie et plaquée telle une ombre contre ce mur d’ombre. Parfois, un orage –main, œil, sexe- tente de ressurgir, de s’imposer là, comme une chose vraie.

Illusion, illusion pure car, pour faire agir un orage, il faut une tête ; et les têtes, le doux artiste s’en méfie si bien qu’il les arrache d’un geste brusque, d’un geste si promptement effectué que l’on n’a jamais le temps d’en percevoir autre chose que la trace. Et ça, voyez-vous, c’est indiscutablement la marque du grand art, surtout si à la place de la tête on est capable de faire pousser un arc en ciel.

 

Texte de Raymond Guidot






Philippe Planchet nous dépayse, nous désempare et nous bouscule. Il s'en prend aujourd'hui à nos racines. en nous conduisant avec une rare brutalité vers l’inspiration violente qui couvrit d’images le cri expressionniste déchirant l’espace au Nord de l’Europe, dans le début du siècle, il nous démontre de manière évidente qu’au pays de Descartes et de Chardin, la difficulté d’être et de vivre peut à ce point inquiéter un esprit tragiquement lucide qu’il décide soudain d’ouvrir la porte à la tourmente et à l’effroi.

 

Cependant, curieusement parée, tantôt des couleurs et des tons de Delacroix, tantôt de ceux de Monet, la rage qui déferle alors ressemble comme une sœur à celle qui habita Arthaud le Français lorsqu’il entreprit d’en finir une fois pour toutes avec tout ce qui pouvait ressembler alors, d’une manière ou d’une autre, à l’habitude et à la tradition. 

Texte de Raymond Guidot, 1981

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